7ème dimanche du temps ordinaire – 20 février –
Abbé Jean Compazieu | 6 février 2011
Sermon sur la montagne
Textes bibliques du 20 février : Lire ici
Dans l’évangile de ce jour, Jésus part d’une loi de l’Ancien Testament : “Vous avez appris qu’il a été dit : œil pour œil, dent pour dent.” A l’époque cette loi visait à freiner la vengeance disproportionnée. La victime ou sa famille devaient se contenter d’un minimum de vengeance. On sait ce que la rancune a pu donner en Corse et dans certains pays où sévit la guerre civile. La volonté de Jésus c’est de casser cette spirale de la violence. Il nous adresse des paroles fortes qu’il nous faut accueillir telles qu’elles sont. Mais en même temps, nous devons faire très attention à la manière dont nous les interprétons. Il n’est pas question de laisser courir les racketteurs et les voleurs. Quand des enfants sont victimes de violences, il faut leur demander de le dire. Notre responsabilité c’est de les protéger.
Aujourd’hui, Jésus voudrait nous inviter à faire un pas de plus : N’ajoutez pas de la haine à la haine ; arrêtez cette montée de la vengeance qui ne fait qu’attiser la haine. Nous en avons un exemple très fort dans la vie d’Edmond Michelet. Quand il a été dénoncé et envoyé en camp de concentration, il a écrit à sa famille : “Il nous faut pardonner ; c’est la seule attitude qui convienne à des chrétiens.” Lui-même a fini par rencontrer le jeune qui l’avait dénoncé et il lui a pardonné. Ce témoignage rejoint celui du Christ sur la croix : “Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font.” C’est auprès de Jésus et en lui que nous trouvons la force de pardonner comme lui et avec lui.
Ce que le Christ attend de nous c’est précisément que nous aimions comme lui-même nous a aimés. Quand nous lisons les évangiles, nous le voyons accueillir tous ceux et celles qui viennent à lui ; il n’a pas hésité à s’approcher des lépreux alors que c’était formellement interdit par la loi de Moïse ; il est allé chez les pécheurs ; il a pardonné à ces bourreaux. Son amour était si grand qu’il a livré son corps et versé son sang pour le salut du monde. Dans l’évangile de ce jour, il nous adresse des paroles fortes : “On vous a dit… Moi je vous dis.” C’est une manière de montrer à tous qu’il parle avec l’autorité de Dieu. Et il ne se contente pas de parler. Il nous montre l’exemple ; il est celui qui aime ses ennemis et prie pour eux. L’amour vrai ne calcule pas ; il donne jusqu’au bout et sans mesure. Il n’est plus question d’en rester au permis ou au défendu. L’important c’est d’aimer toujours et partout, comme le Christ et avec lui.
“Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait”, nous dit encore Jésus. Cette parole rejoint celle de la première lecture : “Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint.” Cette sainteté ne doit pas être envisagée comme un ensemble de performances et de sacrifices mais comme une participation aux dispositions de Dieu lui-même. Cet appel s’adresse à tous et pas seulement à une élite. Jésus vient apporter un complément. S’adressant au jeune homme riche, il lui dit : “Si tu veux être parfait, suis-moi.” Etre parfait c’est suivre le Christ en aimant ses ennemis, en priant pour eux et en pardonnant.
Etre parfait, c’est un long chemin, et nous savons bien que nous sommes loin du compte. Mais un autre jour, Jésus a dit : “Je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs.” S’il faut être parfait pour entrer dans le Royaume de Dieu, il est clair que pour l’homme livré à ses seules forces, c’est impossible. Mais pour Dieu, tout est possible. Son amour est plus fort que tout ce qui fait obstacle à la perfection. Pour devenir saint, il suffit d’accueillir le Christ dans notre vie et de le laisser s’occuper de nous. Lui seul est capable de nous libérer de la haine, de l’orgueil et de l’égoïsme. Il ne cesse de nous appeler à un renoncement qui dépasse nos possibilités humaines. Ce qu’il veut pour nous, c’est la vie, la vraie vie.
Cela vaut la peine de nous mettre en marche à la suite du Christ, le seul juste qui nous ouvre les portes de la vie divine. Il s’agit d’accueillir son Esprit Saint et de nous laisser transfigurer par notre relation avec lui. Et l’un des lieux privilégiés où s’établit cette relation c’est la prière. Ce n’est pas pour rien que Jésus nous invite à prier pour ceux qui nous persécutent. En écoutant cet évangile, nous pensons tous à l’actualité vertigineuse de ces dernières semaines. Alors plus que jamais, nous nous tournons vers le Seigneur. C’est à lui que nous le devons “si le désir de s’entendre l’emporte sur la guerre, si la soif de vengeance fait place au pardon et si l’amour triomphe de la haine.”
Cette vie, Seigneur, tu viens de la développer en nous par l’eucharistie. Nous te rendons grâce pour cette merveille. Oui, Seigneur, viens vivre en nous. “Alors, avec toi, par toi et en toi, notre vie sera amour pour le Père et pour tous nous frères.” Amen
croireTV : 7e dimanche du temps ordinaire : Sylvie de Vulpillières – Croire
Commentaire spirituel pour le 7ème dimanche du temps ordinaire20 février 2011 – Année A Madame Sylvie de Vulpillières, responsable de l’aumônerie de Sciences-Po, enseignante aux Facultés jésuites de Paris, au Centre Sèvres.>> Notre forum de discussion >> Clic — Une production de croire.com
Bonjour Jean,Tout est bien qui finit bien. Je reçois mes textes pour le dimanche sans avoir le texte de l’ Évangile proclamé.Il n’ y a plus de perte d’ encre ni d’ espace perdu lors de l’ impression.
André
Pour avoir les textes bibliques, il suffit de cliquer sur le lien qui est au début.
Du Père RD
L’Amour jusqu’à l’Impossible
L’évangile de ce jour nous présente les deux derniers des cinq exemples choisis par Jésus pour expliquer comment lui-même « accomplit » la Loi et comment ses disciples doivent vivre pour « surpasser » la conduite habituelle des gens de bonne volonté.
4. REFUS DE LA VIOLENCE
« Vous avez appris qu’il a été dit : « Œil pour œil, dent pour dent ».
Eh bien, moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant ;
– mais si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre.
– si quelqu’un veut te faire un procès et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau.
– Et si quelqu’un te réquisitionne pour faire mille pas, fais-en deux mille avec lui.
– Donne à qui te demande ;
– ne te détourne pas de celui qui veut t’emprunter.
« Œil pour œil, dent pour dent » se lit en effet au moins à trois reprises dans la juridiction biblique (Ex 21, 24 ; Lev 24, 20 ; Dt 19, 21). Il ne faut pas l’entendre comme un appel à la vengeance impitoyable mais au contraire comme une façon humaine de limiter les débordements passionnels de la vendetta. Lorsque l’homme en rage s’emportait : « Tu m’as causé tel tort, je te le ferai payer dix fois plus », cette loi dite « du talion » tentait de le garder dans les limites de la justice : tel dommage vaut tel châtiment proportionné. Ainsi la justice moderne évalue les peines selon la gravité des délits.
A nouveau Jésus appelle ses disciples à « surpasser » ce besoin de punition : il place un frein radical, un refus net de toute riposte et il donne 5 exemples tout simples…à comprendre mais pas toujours à mettre en pratique !!! ——- relisez texte ci-dessus.
Pour lui l’unique façon de ne pas se laisser entraîner par la spirale de la violence n’est pas la loi du talion mais la maîtrise du disciple qui subit sans rendre, qui va jusqu’à se considérer comme le serviteur des autres, qui opte pour la non-violence. A l’image de son Maître, le disciple devient un « agneau de Dieu » qui offre ses blessures plutôt que d’en infliger.
Il faut toutefois remarquer que Jésus n’envisage que la morale personnelle (« toi…tu… ») : il n’encourage pas ses disciples à l’indifférence et à la lâcheté lorsque autrui est lésé, blessé, attaqué.
5. AMOUR DES ENNEMIS
Vous avez appris qu’il a été dit : « Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi ». Eh bien moi je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est dans les cieux. Car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes.
Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense aurez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’EXTRAORDINAIRE ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ?
La 5ème et ultime affirmation résonne sans doute comme la plus terrible, la plus exigeante de toutes. Beaucoup réagissent même en disant qu’elle est impossible à appliquer.
« Tu aimeras ton prochain comme toi-même » disait en effet le Lévitique (19, 18). Nulle part il n’était écrit de « haïr » son ennemi mais il était courant et normal de le détester, de couper tout rapport avec lui, parfois de lui souhaiter du mal …
A nouveau Jésus radicalise au maximum. Il n’est même plus seulement question de tolérer une injure, de supporter des brimades, de ne pas se venger mais d’aimer l’ennemi !!!
Exigence inhumaine, inapplicable, disent certains. Réfléchissons sur le texte :
L’amour tel qu’il est nommé ici (agapè) n’est pas l’affection entre parents, l’élan entre amis ; il ne va pas nécessairement jusqu’à des manifestations d’affection et de tendresse.
Cet « amour » s’apprend, se développe, subit des crises, se paie souvent par un combat acharné contre des colères, des réactions contraires, des vagues de ressentiment. Ne pas s’étonner donc qu’il faille du temps pour comprendre et appliquer l’Evangile !
L’amour ici se joint tout de suite à la prière et à la persécution : « Priez pour ceux qui vous persécutent ». Donc l’ « ennemi » n’est pas l’homme au caractère difficile, le voisin qui nous a meurtri mais, en priorité, l’adversaire de l’Evangile, l’homme qui en veut aux chrétiens à cause de leur foi. Le disciple vaincra sa colère, surmontera son désir de vengeance en priant pour ses adversaires. Comme toujours c’est la relation vivante avec Dieu qui permet des relations pacifiées avec les autres. Si tu ne parviens pas à « aimer », au moins « prie ». Oblige-toi, même si ça te coûte, à demander du bien pour celui-là qui t’a fait du mal.
La nature est comme une parabole. Le disciple sera aidé dans cette lutte en considérant les manières de Dieu : le climat est le même pour tous, pour le saint comme pour le malfaiteur.
A Qumran, dans la communauté dont on a retrouvé les célèbres « manuscrits de la Mer Morte », les Esséniens se voulaient soudés les uns aux autres par des liens très forts mais manifestaient une haine farouche à l’endroit de tous les autres de l’extérieur. Les disciples de Jésus ne peuvent s’enfermer dans une secte où l’on se partage les bienfaits de l’amitié tout en demeurant hostiles ou indifférents à autrui.
Enfin Jésus exhorte ses disciples à aller beaucoup plus loin que nous n’en avons coutume. Même les grands pécheurs ont parfois entre eux des liens très forts; beaucoup d’incroyants ont une conduite exemplaire. Les chrétiens ne peuvent se contenter de ce minimum. Jésus termine par le mot « EXTRA-ORDINAIRE » qui rappelle le verbe qui a ouvert ce développement : « Si votre justice ne SURPASSE pas celle des scribes… » (5, 20) (c’est d’ailleurs le même mot dans le texte grec).
LA PERFECTION
Et Jésus conclut ce développement par :
Vous donc soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait.
L’Ancien Testament connaissait déjà ce thème de l’imitation de Dieu. En plein milieu de la Torah se trouvait la célèbre déclaration :
« YHWH adressa la parole à Moïse : « Parle à toute la communauté des fils d’Israël. Tu leur diras :
« Soyez saints car je suis Saint, moi, YHWH votre Dieu » (Lév 19, 1-2).
En hébreu le mot « saint » tend à dire la séparation. YHWH se déclare absolument autre que tout ce qui s’expérimente, se ressent, se conceptualise, autre que toutes les divinités inventées par l’humanité. Et c’est à cause de sa Sainteté, grâce à cette sainteté, qu’il peut exiger de son peuple d’être différent des autres peuples, de mener une existence qui se distingue de ce qui est admis et pratiqué partout. Evidemment Israël savait que nul être humain ne peut jamais atteindre le même degré de sainteté que son Dieu.
Ici Matthieu emploie l’adjectif « parfait » alors que Luc, dans le texte parallèle, dira : « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. » (6, 36).
Comme on le savait en Israël, l’homme ne peut être qu’« en tendance », « en tension » vers la sainteté, la perfection. Il se propose un but qu’il sait inatteignable par ses propres ressources mais qu’il ne doit jamais cesser de viser sous peine de s’enfermer dans une religion juridique où l’on arrive à dire : « Je suis en règle ». C’est la visée de l’Infini qui est inscrite dans l’homme « à l’image de Dieu », c’est elle qui le met en marche, toujours en mouvement, toujours vivant.
« La perfection de l’homme, c’est sa perfectibilité » disait admirablement André Néher : l’être humain n’est jamais arrivé, jamais satisfait, il est toujours en voie de construction.
On n’est jamais quitte avec l’amour.
CONCLUSION
Tant mieux si les législateurs essaient d’instituer des lois équitables, si la société se donne un idéal de « liberté, égalité, fraternité », si l’humanité tend à reconnaître partout « les Droits de l’homme », si les peuples luttent pour la paix ; tant mieux si les citoyens s’appliquent à adopter des mœurs honnêtes et si les cours de morale sont écoutés et suivis.
Mais il faut que, au cœur des sociétés, existent des « citoyens du Royaume du Père » qui assument en toute liberté les exigences plus lourdes du « sermon sur la montagne » de Jésus.
Ils écoutent l’appel des Huit Béatitudes, ils décident de réaliser « une justice plus haute », ils consentent à des sacrifices supplémentaires.
On se moque d’eux en les traitant de naïfs, de « bonnes poires », d’utopistes.
Ou même on les critique, on les dénonce, on les frappe, on les persécute.
Mais en vivant de la sorte, ils partagent la béatitude, le bonheur de leur Seigneur Jésus
et ils accomplissent leur mission : être « sel de la terre » et « lumière du monde ».
Raphaël D. dominicain
du Père Jean Mourdon
Tu aimeras ! 20 février 2011 – 7ème Dim. – Providence
Si le 14 février la St Valentin a mis en valeur le mot « amour » qui, de vrai, est traduit en toutes les langues de la terre, encore faut-il comprendre sa réelle signification. Elle est loin d’être la même pour tous.. Les textes de la liturgie de ce jour orientent vers la lumière que Dieu lui donne. N’en est-il pas l’initiateur ?
Le livre des Lévites (1ère lecture) fait de l’amour une obligation de vie. Le Seigneur, par Moïse, s’adressant à l’Assemblée d’Israël, proclame : « Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint ». Le Christ Jésus révèlera, pour toutes les nations, que Dieu est saint parce qu’il est Amour. La sainteté n’a d’autre réalité qu’une vie vécue dans l’amour. Ici le texte nous fait comprendre que l’amour ne peut s’allier à « aucune pensée de haine contre ton frère », sans exclure la réprimande jugée utile. « Pas de vengeance, de rancune ». « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». C’est net et précis !
Si le Psaume 102 nous redit qu’étant Amour « le Seigneur est tendresse et pitié », son amour pardonne, guérit, « ne nous rend pas selon nos offenses ». « Il réclame ta vie à la tombe », ce qui fait songer à la résurrection. « Bénis le Seigneur ô mon âme, n’oublie aucun de ses bienfaits » : attitude combien normale envers celui qui « couronne d’amour et de tendresse ». L’amour, en premier, doit se vivre envers Dieu.
C’est à une habitation « intérieure » de l’amour qu’exhorte St Paul (2ème lecture). « Vous êtes le Temple de Dieu, l’Esprit de Dieu habite en vous ». L’Esprit de Dieu est l’Esprit d’amour. Quelle honneur, quelle valeur pour chaque homme « temple sacré », ce qui fait dire à l’Apôtre : « si quelqu’un le détruit, Dieu le détruira », grave avis pour les conduites humaines ! « Le Seigneur connaît les raisonnements des sages : ce n’est que du vent ! » Paul invite à ne « pas mettre son orgueil en des hommes » ; « vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu ». L’enseignement de Jésus est enseignement de Dieu. Sans négliger le corps l’amour exige, plus forte, la participation de l’esprit, un don de soi fuyant les satisfactions corporelles égoïstes étiquetées du même nom.
Que nous dit donc ce jour Jésus dans l’Evangile ? (Matthieu 5, 38-48). Il précise jusqu’où doit aller le véritable amour qui concerne, et le corps, et l’esprit.
Alors qu’était admise la devise « œil pour œil, dent pour dent » l’amour demande « de ne pas riposter au méchant » et d’en témoigner avec une force qui n’admet ni vengeance, ni rancune. C’est l’abandon de procès qui n’en finissent pas pour des biens secondaires. C’est l’invitation au partage : « donne à qui te demande » ; « ne te détourne pas de celui qui veut t’emprunter ». Surtout l’amour doit s’exercer envers tous, même envers ses ennemis. « Priez pour ceux qui vous persécutent » car Dieu « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons ». Songeons à St Paul, « chasseur » de chrétiens jusqu’à leur condamnation à mort. Il était présent à l’exécution de St Etienne pardonnant à ses bourreaux. Après sa conversion il devient l’apôtre par excellence des païens.
« Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait ». Efforçons-nous d’aimer comme Dieu, dans le Christ, nous a aimés. Il a donné sa vie sur la croix et versé son sang pour le pardon des péchés et le bonheur de toute l’humanité. Voilà le véritable amour !
Demandons à Marie d’intercéder en notre faveur pour progresser en amour, obéissant
au commandement, : « Tu aimeras ! »
L’évangile d’aujourd’hui poursuit l’énumération d’autres exemples concrets par lesquels Jésus nous invite à passer d’une morale du permis et du défendu à une morale de liberté fondée sur l’amour. Et contrairement à ce qu’on pourrait peut-être penser, c’est bien plus exigeant d’être renvoyé à sa responsabilité et à sa conscience.
Jésus donne à la Loi du Premier Testament son sens profond qui est d’être ouverture à l’amour. Les hommes se plaisent à la réduire à des prescriptions légalistes, qu’il s’agisse de la loi du talion ou de l’amour des ennemis. Jésus veut faire de nous des fils ajustés à l’Amour sans limite de Dieu et non pas des observateurs minutieux de préceptes.
On a connu de tels découpages de cheveux en quatre dans l’Eglise autrefois au sujet par exemple du jeûne avant la communion. Ce légalisme qui veut prévoir tous les cas n’y parvient jamais. Même les Etats tombent dans le même travers en multipliant les lois dès qu’un cas nouveau se présente. Dans un tel système, l’homme abdique sa liberté et se contente d’appliquer ce qui est prévu par la loi. Ce qui est plus confortable que de persévérer courageusement dans l’amour.
Jésus, lui, sans supprimer les observances de la torah, veut en retrouver le sens libérateur. « Le sabbat est fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat. » De même quand il est interrogé pour savoir qui est le prochain : le lévite et le prêtre voyant le blessé respectent l’interprétation légaliste de la Loi en évitant de le toucher de peur d’encourir une impureté rituelle. Ils sont en règle. Le samaritain, qui ne s’embarrasse pas de ce formalisme, voit ce qu’il est bien de faire et s’occupe du blessé. Va et fais de même ! (Luc 10, 37)
Dans un petit livre sur Saint Paul, Daniel Marguerat, exégète protestant, écrit que la morale de l’Évangile est « une morale de l’excès qui inscrit l’infini du désir de Dieu dans le quotidien de nos vies »1. Pour comprendre ces mots, acceptons de nous laisser guider par saint Paul qui nous invite aujourd’hui à goûter le mystère insondable de Dieu qui vient demeurer en nous. « Frères, n’oubliez pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ». Il nous invite à découvrir toujours mieux l’abîme de cet amour infini du Père pour les hommes au point de leur donner son Fils pour faire de nous des fils animés de son Esprit. Il écrit encore : « le monde et la vie et la mort, le présent et l’avenir : tout est à vous, mais vous, vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu ».
La première lecture nous stimulait en ces termes : « Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint. Tu n’auras aucune pensée de haine contre ton frère. » Et Jésus, en écho, place la barre encore plus haut : « Vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » Mais n’est-ce pas impossible ! Non, si quelqu’un a réussi à la faire. Ce quelqu’un, c’est Jésus lui-même. Jésus a été fidèle à Dieu son Père jusqu’au bout, jusqu’au don de sa vie. Il a pardonné à ceux qui l’ont crucifié. Dieu l’a ressuscité d’entre les morts. En Jésus, le Ressuscité, quand nous accueillons en nous, nous croyons que nous commençons à vivre déjà cette fidélité parfaite au Père. Oui, frères laissons l’infini du désir de Dieu s’inscrire dans le quotidien de nos vies.
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1 Daniel Marguerat, Paul de Tarse, Ed. du Moulin, 1999, p. 98
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